A l’époque de l’explosion des parutions de topos guides dans toutes les activités montagne (randonnées pédestres, randonnées raquettes, ski de rando, canyonning…), il devient plus que nécessaire de rappeler leur utilité et comment les utiliser et ceci autant pour les auteurs que les utilisateurs. Pourquoi ?
Loin est le temps des topos du genre « Guide Ollivier » qui s’adressaient (et s’adressent) à des personnes averties. Loin est le temps où sont apparus « Les sentiers d’Emilie » permettant de profiter en famille de petites balades. Maintenant on est à l’ère de l’effort, de l’exploit, de l’aventure, sans oublier la notion de « temps » (toujours plus vite, toujours plus en un minimum de temps). Nous sommes à l’époque où l’on facilite tout pour que vous ne perdiez pas de temps. On oublie que la montagne est un espace naturel et qu’aucun humain ne peut prétendre la maîtriser. On fait oublier que cette montagne vit, se transforme jour après jour, saison après saison. On fait oublier que ce n’est ni Disneyland, ni un parc aventure sécurisé.
Que voit-on actuellement ? Le nombre de topos guides de randonnées raquettes et de ski de randonnée ne cesse d’augmenter. Cela tombe bien, les budgets vacances et loisirs diminuent, mais on veut continuer à se faire plaisir en montagne enneigée. Et voilà, le petit livre dans le sac, les personnes, aspirant à un peu de tranquillité, de changement d’air, partent convaincues que tout est là… On oublie la petite ligne qui rappelle de se renseigner sur le niveau de risque d’avalanche du secteur concerné, alors que le seul bulletin de la station de ski la plus proche suffit. Mais même avec cette information, à quel endroit dans ces petits livres explique-t-on que selon le massif, le versant, l’heure, les conditions climatiques, ces données peuvent totalement modifiées…
Ainsi, est-ce que tous les « topos guides » expliquent qu’en hiver il n’y a aucun itinéraire figé ? Selon la qualité de la neige, nous, les professionnels et habitués de la montagne, modifions le parcours ou la destination, nous nous adaptons sur le champ à l’évolution du manteau neigeux. Est-ce que les topos guides indiquent l’heure de départ conseillée selon la période de l’année, selon les conditions météo ? Nous partons souvent à la frontale en ski de randonnée et le matin avant 10h en raquettes.Quand nous partons en raquettes à la demi-journée, nous réfléchissons à deux fois sur le choixdu site. Dans tous les cas, nous nous adaptons à l’instant : il faut rester humble devant la montagne, car c’est elle qui aura le dernier mot…quoi qu’il en soit.
Le « topo guide » doit rester une source d’idées et encore… Connaissez-vous vraiment votre aptitude à vous engager sur ce type de terrain, avec le dénivelé indiqué ? Nous rencontrons souvent, de plus en plus souvent, des personnes qui ont une activité sportive régulière (20km à pied tous les dimanches, sur du terrain plat et « roulant ») qui se trouvent étonnamment en difficulté car selon le topo c’était côté « assez facile »… Qui peut juger la difficulté si ce ne sont les premières personnes concernées ou des professionnels qui sont confrontés tous les jours à un public très large… Ce qui nous semble facile, à nous qui sommes du terrain, à nous qui vivons en montagne, à nous qui avons l’habitude d’évoluer en montagne,ne l’est pas forcément pour une personne courant ou marchant une fois par semaine en terrain non accidenté.
L’objectif n’est-il pas de se faire plaisir tout en découvrant un cadre inoubliable ? Ne voulons-nous pas faire apprécier nos montagnes ? Alors réfléchissons à deux fois avant de mettre en difficulté, voire en danger, des vies humaines avec des descriptifs incomplets.
Sylvia Gonzalez (décembre 2014)